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Défi 128 : Quel sentiment ?
Défi 128: Quel sentiment ?
CROQUEURS DE MOTS
Défi proposé par
Qui nous dit ceci :
J'opte donc pour une fiction :
Durant la décennie 1925-1935, je fus à Juan les Pins, la gouvernante d'un peintre dont le renom ne cessait de croître et qui devint mondialement connu. Je veux parler de Pablo Picasso. Ses périodes bleue et rose étaient déjà loin et il semblait chercher une nouvelle inspiration.
Je me souviens tout particulièrement de cet été 1928, où le "Maître" eut la gentillesse de me proposer de faire venir auprès de moi, pour les vacances d'été, mon petit fils Victor que je n'avais pas vu depuis de longs mois. Ce fut une double joie et pour moi et pour l'enfant, qui allait en même temps découvrir la Méditerranée et la vaste demeure où vivait l'artiste. Monsieur Pablo, comme je l'appelais alors, était un homme que je tenais en grande estime et qui m'avait fait l'honneur de m'accorder la sienne. Il était généreux et bon, ce que semblaient démentir ses yeux noirs qui vous pénétraient jusqu'à l'âme. Il se tenait volontiers éloigné du monde qui était le sien, du moins en cette période que nous partageâmes et préférait, au faste des réceptions, les longues promenades dans l'arrière pays avec sa compagne du moment où les baignades matinales dans la fraîcheur de l'onde. Il proposa un jour à Victor de lui faire visiter son atelier, chose qu'à ma connaissance, il ne proposait qu'à de très rares personnes et l'enfant en ressortit transformé. Il voulut après cela, lui aussi s'essayer à la peinture et, si comme tout enfant, il aimait dessiner, il n'avait jamais tenu un pinceau de sa jeune vie. Dès lors, il n'eut de cesse, que je lui eusse acheté chez le marchand de couleurs, des godets de peinture et du papier dessin, afin de laisser libre cours à son inventivité. Il passa ainsi chaque jour, de longues heures à dessiner et à peindre et n'était pas peu fier, lorsqu'il voyait le Maitre s'approcher de lui et porter attention à ses "œuvres". En effet, souvent, Monsieur Pablo le regardait faire avec beaucoup de bienveillance et de curiosité me semblait-il. A la fin de son séjour chez-nous, Victor avait dessiné et peint de très nombreux portraits, naïfs certes, mais dont le Maître le félicita en lui demandant même, s'il voulait bien lui en offrir un. Victor fut si fier, qu'il le lui laissa choisir dans le nombre. Je me souviens que le grand peintre, jeta son dévolu sur le dessin d'une fillette avec des nattes blondes, assise à même le sol, une poupée dans les bras. J'avais moi-même trouvé ce dessin très réussi pour un gamin de six ans, mais peut-être étais-je quelque peu partiale puisqu'étant sa grand-mère ? Ce fut non sans tristesse, qu'il me fallut fin 1935, quitter ma charge et Monsieur Pablo, en raison du retour de celui-ci en Espagne. Quelle ne fut pas ma stupeur, lorsque trois années plus tard, en 1938, je vis dans la revue artistique et littéraire française: "Cahiers d'Art" l'une des œuvres de Pablo Picasso intitulée "Maya à la poupée et au petit cheval de bois". Le maître s'était inspiré du dessin de Victor, pour peindre sa fille Maya, alors âgée de trois ans. Il avait seulement rajouté au dessin initial, un petit cheval de bois. Je fus tout aussi surprise qu'heureuse que ce tableau tellement semblable au dessin de mon petit fils, soit passé à la postérité. Ce fut pour moi, absolument "Surréaliste" (si j'ose dire !). J'éprouvai alors envers le Maître, un sentiment de gratitude, de profonde reconnaissance .
24 Juillet 2014
© Dominique
Images du Net
* Pour la petite histoire, ce tableau très célèbre de Pablo Picasso représentant Maya sa fille aînée, à l'âge de trois ans, fut volé (ainsi qu'un second tableau) chez la petite fille du peintre, en février 2007. Les deux furent retrouvé six mois plus tard et les auteurs du vol appréhendés.
Tags : dessin, peintre, pablo, Picasso
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